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Ville connectée et sobriété numérique, le point

On le sait : le numérique est sans conteste un outil au service de la transition énergétique et de la consolidation de la smart city. Oui mais voilà : avec la numérisation massive de nos activités, les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et sont bien loin de l’objectif de -5 %, induit par l’accord de Paris (un taux nécessaire au maintien d’un plafonnement à +2°C de la température mondiale).

Le terme de sobriété numérique, comme celui de “numérique vert”, est relativement récent et a été porté en partie en France par le fondateur de la communauté GreenIT et le spécialiste du numérique responsable Frédéric Bordage. L’émergence de ce concept repose sur le constat que nous venons d’aborder : l’empreinte carbone du secteur du numérique est importante (près de 4 % des émissions mondiales de CO2 tous secteurs confondus) et surtout, celle-ci ne cesse d’augmenter. Depuis quelques années, cette part a même dépassé celle de l’aviation, une constatation qui a permis d’accélérer la prise de conscience au niveau des gouvernements.

Le numérique n’est donc pas seulement un outil, mais également un défi à part entière, qu’il est urgent de s’atteler à relever. Une transition vers un numérique mieux maîtrisé et mieux piloté est essentielle, d’autant plus que la part du numérique dans les consommations énergétiques mondiales est amenée à doubler d’ici à 2025. Atteindre rapidement une sobriété numérique, est-ce envisageable et comment ? Quelques explications.

D’où proviennent les émissions du secteur numérique ?

Comprendre la distribution de la consommation d’énergie finale est nécessaire si l’on souhaite entamer un travail vers la sobriété numérique. En la matière, les data centers ainsi que les terminaux sont sans conteste les plus énergivores, comme nous l’atteste le graphique ci-après.

sobriété numérique

Quelle serait la voie vers la sobriété numérique ?

Certes, il est urgent de déployer des technologies numériques qui n’aillent pas à l’encontre des efforts menés en matière de résilience et de transition écologique. Mais comment s’y prendre, alors que les habitudes de consommation et les usages frôlent le compulsif ?

Il s’agit non pas de diminuer l’usage, mais de réduire son impact environnemental. Mieux maîtriser son usage en intégrant une série de bonnes pratiques quotidiennes pour l’utilisateur, par exemple. Mais la sobriété numérique s’envisage également à l’échelle de l’entreprise, des institutions publiques et des gouvernements.

  1. Optimiser l’énergie et les ressources naturelles nécessaires à la production de produits numériques et/ou à l’implémentation de solutions digitales. Un seul ordinateur de 2 kg nécessiterait à lui seul 600 kg de matières premières immobilisées et serait à l’origine de près de 156 kg de CO2 libérés dans l’atmosphère.
  2. Accentuer la durée d’amortissement des équipements existants. Selon l’ADEME, allonger la durée de vie d’un appareil de 2 à 4 ans améliorerait de 50 % son bilan environnemental…
  3. Prôner des comportements numériques plus responsables : chasse au mode veille, désactivation du Wifi, limitation du nombre d’applications, nettoyage des listes de diffusion emailing, optimisation de la taille des fichiers envoyés…

A impact similaire, il s’agirait également de privilégier les solutions engrangeant le plus de valeur sociétale.

Usages numériques : Qu’est-ce que “l’effet rebond” ?

On a tendance à l’oublier, mais les usages numériques sont directement induits, non seulement par les évolutions sociétales, mais aussi par la nature des technologies et des infrastructures mises à disposition des utilisateurs. Et oui : déployer un nouveau système numérique n’est pas sans conséquence et peut parfois faire émerger de nouveaux usages, encore plus gourmands en énergie. C’est ce que l’on appelle plus communément l’effet rebond. La pertinence énergétique globale de la solution mise en place est alors à considérer. A l’heure actuelle, le déploiement de la 5G pose justement cette question du gain énergétique à l’usage…

Déterminer l’impact énergétique d’un système numérique

On entend souvent dire que la ville intelligente est numérique, connectée. C’est bien vrai ! Mais ne faisons pas pour autant de raccourcis. Quantifier l’impact environnemental et sociétal des systèmes numériques mis en place est essentiel. Quelles sont leurs implications ? L’impact énergétique de l’implémentation de ce modèle innovant surpasse-t-il le bénéfice environnemental attendu ? Bien souvent, les gains nets ne sont finalement pas si importants et impliquent peut-être de réadapter son positionnement.

Formaliser la pertinence énergétique d’un système numérique, c’est l’exercice auquel s’est livré The Shift Project à travers son rapport sur l’impact environnemental du numérique, datant d’octobre 2020 (p.25). Le calcul reprend la consommation énergétique initiale nécessaire à la création du système ainsi que l’énergie nécessaire à son fonctionnement pour définir le temps de récupération du système, autrement dit le temps nécessaire à l’amortissement des coûts énergétiques de production et d’exploitation. Quoi qu’il en soit, il est mis en évidence que les entreprises et les administrations doivent se munir de grilles d’audit précises destinées à quantifier l’impact écologique des solutions numériques déployées.

Au-delà d’être une ville connectée, la ville du futur se distingue par sa capacité d’apprentissage et par son intelligence environnementale.