Utopie ou future réalité ?
Imaginer la ville du futur, c’est s’atteler à résoudre de multiples problématiques corrélées. Celle de la pollution, atmosphérique et urbaine, celle des ressources, en données, en eau, en énergie et en nourriture. Celle aussi de l’habitat, un secteur en constante mutation. La ville du futur se veut un modèle intelligent associant à la perfection l’Homme avec la nature et l’Homme avec l’Homme, sorte de smart city : une idée qui fait rêver. S’il est impossible de prévoir avec certitude comment sera la ville du futur, l’on peut tout de même se risquer à quelques suppositions, sur la base des projets urbains écologiques actuels.
Quel avenir écologique pour nos villes du futur ?
La ville du futur est écologique, c’est certain. Mais qu’entend-on vraiment par-là ?
Dans la ville du futur écologique, la végétalisation urbaine aura donc sans conteste une place centrale. Le rôle des arbres en ville n’est plus à prouver. Elle pourra se traduire par la création de jardins communautaires et par le développement de l’agriculture urbaine, notamment. Végétaliser les espaces urbains permet de densifier le tissu végétal urbain, d’atteindre une meilleure qualité de vie mais également de consolider le lien social entre habitants et répond donc de façon très concrète aux problématiques de développement durable. Il s’agit également d’un levier d’action pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
L’écologie en ville, c’est aussi une question d’habitat, le secteur étant émetteur d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre en ville. Les constructions classiques devront donc se soustraire aux architectures durables et aux matériaux et équipements écologiques fonctionnant à énergies renouvelables. Si le virage a d’ores et déjà été pris en la matière, il s’agira d’accélérer pour permettre au secteur de l’habitat d’être de devenir à termes énergétiquement positif. C’est du moins ce que l’on imagine et que l’on espère pour la ville du futur écologique.
Mais la ville du futur écologique devra aussi réconcilier mobilité et nature, apporter une réponse adaptée aux problématiques de bruit, de gestion de l’énergie ou encore de réduction et de traitement des déchets urbains.
Toutes ces problématiques sont prises en compte dans les projets architecturaux de villes du futur écologiques proposés par de nombreux cabinets d’architectes à travers le monde. Avec un objectif clairement établi : ramener la nature en ville.
La ville du futur écologique telle qu’il est possible de l’imaginer
Commune à tous les projets architecturaux relatifs à la ville du futur, il y a cette dimension écologique, centrale. A l’instar des tours maraîchères autosuffisantes d’Inde – les Hyperions – ou encore la Sea Tree ou mégalopole flottante qui s’inspirent directement de formes de la nature, on constate que la végétation est moins un accessoire qu’une partie intégrante des bâtiments. Il s’agit de réinvestir les villes avec la nature, les immeubles écologiques devenant le support des nouvelles forêts et de cultures urbaines. Majoritairement, on remarque également un parti pris d’ajouter des bâtiments en hauteur pour densifier le nombre de logements tout en n’empiétant pas sur de nouveaux territoires.
Compenser le manque d’espace et répondre aux problématiques d’aménagement urbain, c’est effectivement l’un des défis de la ville de demain. Dans ce contexte, certains urbanistes envisagent jusqu’à la construction d’édifices souterrains, à l’image par exemple d’une pyramide inversée.
C’est le cas pour le projet de construction de l’agence Bunker Arquitectura au Mexique – Earthscraper. Ce bâtiment serait pourvu d’un puit de lumière permettant d’éclairer l’intégralité des 65 étages, sur 300 mètres de profondeur. Locaux, commerces, bureaux et même musées : tout y serait présent.
A Paris, l’architecte Vincent Callebault et l’agence SETEC ambitionnent de faire évoluer la ville en une version plus éco-responsable pour 2050 : une version à énergie positive, grâce à la création de tours bioclimatiques et d’extensions aux structures existantes. Il s’agit de réfléchir la mutation des bâtiments actuels en utilisant comme base les technologies déjà existantes ou en cours d’étude, un projet qui permettrait de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre dans la capitale française. C’est le projet Paris Smart City 2050.
Enfin, notons que la ville du futur écologique n’est pas forcément sur terre, mais peut également être sur l’eau, à l’image du projet Lilypad, une éco-ville flottante imaginée pour accueillir la population des territoires submergés suite à la montée des eaux.
Quelques architectes visionnaires sur la ville du futur 2050
Vincent Callebaut
En matière de ville du futur, l’architecte Vincent Callebaut tire constamment son épingle du jeu, notamment du fait de la multiplicité de ses projets d’envergure. Une exposition “Villes 2050” a même été tenue en 2018 au parc du Futuroscope pour présenter 19 des projets dudit architecte (sur 50 déjà réalisés ou en cours, environ).
Parmi les projets architecturaux de Vincent Callebaut :
- La Tao Zhu Yin Yuan, une tour à usage d’habitation principalement et occupant environ 50 000 mètres carrés. Sa structure bioclimatique et sa consommation 2 fois moins élevée que les autres projets de ce type représentent ses particularités, une bonne idée de ce à quoi pourraient ressembler les nouvelles constructions dans la ville du futur 2050.
- The Gate, au Caire. Ici, 1 000 appartements, commerces et bureaux sur plus de 450 000 m² de superficie ainsi que de multiples panneaux solaires et une facture énergétique diminuée de 40 % par rapport à ses homologues.
- La Rainbow Tree (ou “arbre arc-en-ciel ») aux Philippines. Sur 32 étages, cette tour modulaire en bois massif est composée de plus de 30 000 plantes, un véritable puits de carbone pour un bâtiment à empreinte environnementale positive.
Paris en 2050, par Vincent Callebaut
A l’image des autres projets de Vincent Callebaut, le projet Paris Smart City 2050 se veut une version plus intelligente et plus verte de la capitale, notamment par la conception de 8 prototypes de tours économes en énergie et bioclimatiques. On parle bien évidemment de tours dépolluantes et solaires permettant de lutter durablement contre le phénomène d’ilots de chaleur urbains.
L’architecte star propose la création de corridors écologiques, de façades à base d’algues vertes pour permettre de capter le CO2 de l’air ambiant et de le stocker, de parcs verticaux, de tours maraîchères et de balcons potagers, de ponts paysages alimentés par des éoliennes et des hydroliennes… Est prévue avec ce projet une réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre de la capitale. Un Paris 2050 qui fait indéniablement rêver, tant par son caractère architectural que par son potentiel bioclimatique.
Norman Foster
Cet architecte de renom se distingue notamment par ses conceptions étonnantes associant à la perfection innovation et dimension écologique. Il est considéré comme certains comme un précurseur en matière d’architecture high-tech et a d’ailleurs reçu pour ses projets plus de 300 prix et récompenses.
Pour lui comme pour les autres architectes urbanistes, la ville de demain se pense aujourd’hui, avec notamment :
- Apple Park Cupertino, siège social de la célèbre marque,
- L’Hôtel de ville de Londres,
- Hearst tower New-York, premier building écologique, partant de l’extension d’un bâtiment historique existant. Soulignons qu’une grande partie de ce bâtiment provient de sources recyclables.
Des modèles durables déjà implantés dans nos villes
Des airs de 2050 se perçoivent déjà aujourd’hui, dans quelques villes un peu partout dans le monde. Europe du Nord, Asie… En Corée du Sud dans la ville durable de Songdo, on compte déjà 40 % d’espaces verts et quasiment aucune voiture. Hong-Kong compte quant à elle de plus en plus d’ilots urbains autosuffisants en énergie et l’agriculture urbaine y tient également une place considérable.
A travers le monde, les réseaux de transports en commun s’étoffent et évoluent vers une énergie verte. Des systèmes de gestion des déchets souterrains performants apparaissent. Et que dire des innovations constatées en matière d’habitat écologique et d’intelligence urbaine ? Tout cela fera sans conteste partie de la ville du futur. Pour 2050, il s’agira de faire évoluer les modèles durables d’écoquartiers à l’échelle de la ville, pour créer un écosystème urbain global autosuffisant.
L’autosuffisance énergétique pour la ville du futur
Atteindre l’autosuffisance énergétique, c’est produire assez d’énergie pour répondre aux besoins de ses habitants. Dans une dynamique environnementale, l’avantage de maîtriser ses dépenses énergétiques est certain. Mais il s’agit également de garantir aux usagers un meilleur coût de l’électricité, notamment.
A l’échelle d’une ville, atteindre un tel degré de maîtrise relève de la véritable prouesse et l’on peut acter que l’autosuffisance énergétique n’est pas encore vraiment d’actualité. Il existe pourtant à l’heure actuelle de multiples leviers d’action qui permettent d’en prendre la voie. De nombreuses communes se fixent d’ailleurs déjà des objectifs ambitieux d’autosuffisance énergétique et semblent se donner les moyens réels de les atteindre.
Plusieurs moyens pour atteindre une autosuffisance énergétique :
- L’implémentation de sources de production d’énergies renouvelables. Les panneaux solaires sur les bâtiments publics et privés ont sans aucun doute vocation à se multiplier en ville et autour de sorte de répondre à la majorité des besoins énergétiques de leur environnement direct. Parcs éoliens et centrales biomasses feront aussi certainement partie du panorama énergétique de la ville du futur.
- A l’échelle de l’habitat individuel, très énergivore, les équipements à base d’énergies renouvelables devraient être généralisés par le biais de subventions aux habitants dans les logements déjà construits et réglementés pour toute construction neuve, une impulsion déjà notable dans la plupart des villes en France. Soulignons que la construction de bâtiments bioclimatiques sera indispensable pour diminuer les besoins énergétiques des usagers et permettant aux énergies renouvelables d’absorber les besoins restants.
- A l’échelle de la ville, la généralisation de réseaux de distribution intelligents ou smart grid sera sans conteste indispensable. Le recueil intelligent de la donnée privée et publique en matière d’énergie et son traitement permettra une meilleure attribution de l’énergie aux ménages en fonction de leurs besoins réels.
La ville du futur sera-t-elle autosuffisante ?
L’autosuffisance est l’un des grands enjeux de la ville idéale du futur, tout simplement parce que, qu’elle soit énergétique, alimentaire ou encore en eau, elle permet à la ville d’atteindre un niveau de résilience supplémentaire. Produisant les denrées qui lui sont directement nécessaires, la ville parvient à éviter toute situation de pénurie alimentaire ou énergétique. Il s’agit également de réduire l’empreinte carbone relative au transport et à la transformation des marchandises vers les espaces urbains, de réduire les coûts de production et de sensibiliser tout un chacun à la place de la nature, au sens large. Parcourons cette thématique ensemble.
Autosuffisance alimentaire : Une douce utopie ?
Saviez-vous que dans une ville comme Paris, les experts estiment à 3 jours seulement l’autonomie alimentaire de la population ? Dans les années 30, 80 % des aliments nécessaires à la population provenaient pourtant de la proche banlieue parisienne. Qui eut cru que la ville du futur en 2050 serait si similaire à celle du passé… Car l’enjeu est bien aujourd’hui de rééquilibrer le schéma entre villes et campagnes et de permettre aux espaces urbains et périurbains d’accueillir de nouveau des emplacements suffisants de culture.
Objectif : Produire ses propres ressources en circuit court pour atteindre un degré d’autosuffisance, mais pas que. Il s’agit également de répondre aux enjeux climatiques en permettant la régénération de l’air urbain et des sols, limitant la pollution tout en gardant la main sur l’aspect sanitaire de la production puisque la traçabilité des aliments est désormais mieux maîtrisée.
Une douce utopie pour certains, un idéal à atteindre pas forcément délirant pour d’autres. A l’heure actuelle, terrasses, toits et balcons servent déjà à implémenter des espaces de culture, des ruches ou des jardins partagés un peu partout en France et notamment en région parisienne. Les cultures hors sol se multiplient sur la base de solutions telles que l’aquaponie ou l’hydroponie.
Notons qu’en Ile-de-France, 73 hectares de terre sont déjà cultivés en milieu urbain, parfois même au sein de parkings souterrains. Dans Paris même, on dénombre pas moins de 70 exploitations agricoles à l’image de La Caverne, une ferme urbaine BIO située dans le 18-ème arrondissement. On peut aussi citer l’exemple de la ferme urbaine lyonnaise : 1000 m² dédiés aux cultures de fruits et légumes en plein cœur de la ville, une ferme qui est également connectée pour permettre l’optimisation des cultures.
Des initiatives encourageantes ! Même si l’on est encore loin de l’autosuffisance alimentaire, celles-ci ont le mérite de prouver qu’il existe des modèles reproductibles qui fonctionnent en la matière.
Des obstacles réels à contourner
Il est important de noter que certaines contraintes subsistent quant à l’atteinte d’une autosuffisance alimentaire. Certains citent le manque d’espace comme principale problématique : les espaces urbains et périurbains sont parfois tout simplement insuffisants pour assurer à la ville du futur écologique de subsister sur ses propres ressources.
A la problématique de l’espace vient s’ajouter celle des ressources financières. Cela demande effectivement un investissement important et une politique urbaine foncièrement écologique pour développer cette activité, parfois à la place de certaines autres. Il faut également disposer du foncier agricole nécessaire à une autosuffisance alimentaire. Si l’autosuffisance alimentaire est souhaitable, elle n’en est donc pas forcément atteignable du moins par pour tous les territoires et pas pour l’instant. C’est l’un des enjeux de la ville du futur.
Réemploi de la ressource : Jusqu’au CO2 ?
Selon l’OMS, 91 % de la population mondiale respire un air fortement pollué. Et cela n’a pas vocation à s’atténuer. Parlant de la ville du futur, certains experts avancent qu’il sera indispensable qu’elle se base sur un réemploi intelligent du CO2, une hypothèse qui s’appuie sur des technologies déjà existantes.
Parmi les initiatives actuelles, celle de puits de carbone, constitués de cultures de microalgues et reliés au réseau d’assainissement de la ville. Grâce au processus de photosynthèse, les microalgues assainissent l’air ambiant en captant les particules fines de CO2 et de NO2. Ce procédé contribue à la multiplication constante des algues, qui évoluent ensuite jusqu’à la station d’épuration de la ville, dans laquelle est traitée la biomasse. Celle-ci est transformée en énergie verte ou biométhane pour alimenter le réseau de gaz en ville : un cercle énergétique vertueux qui a sans aucun doute sa place dans la ville du futur.
Notons que les procédés actuels semblent trouver leurs limites dans leurs coûts élevés, empêchant de traduire cette transformation positive à grande échelle. Toutefois, certaines études, comme celle publiée au 26 juillet 2019 à l’initiative de chercheurs parisiens et canadiens démontrent qu’il serait possible de transformer le CO2 à grande échelle à l’aide de matériaux simples et abordables comme l’eau et le cobalt. Si la ville du futur intégrait effectivement cette technologie, cela permettrait de répondre très concrètement aux enjeux de la crise climatique actuelle et d’assurer une qualité de vie optimale aux habitants des villes.
Même si c’est central, la ville du futur, c’est bien plus qu’une question d’autosuffisance alimentaire et énergétique. Il s’agit de bâtir une ville sûre et accessible, intelligente, centrée sur l’humain tout en préservant au maximum la nature. Des enjeux forts et des contraintes réelles seront à prendre en compte, un travail d’ampleur nous reste à accomplir. Nous semblons heureusement être sur la bonne voie.
La vie en 2050
En France et à l’étranger, des objectifs clairs
Penser la ville du futur 2050 ne répond pas tant à un besoin sociétal ou architectural mais plutôt bel et bien à un enjeu climatique fort. La crise environnementale actuelle nous amène tous à repenser nos modes de consommation mais également la façon dont nous nous déplaçons et dont interagissons au sein des espaces urbains. Ceux-ci doivent donc se réinventer. D’ores et déjà, les multiples sommets à vocation environnementale ont fait émerger des objectifs clairs pour 2050 et notamment, celui de la neutralité carbone pour la France.
Quelques enjeux de la ville du futur 2050
L’un des enjeux principaux des villes actuelles et futures sera de refroidir les espaces urbains pour une meilleure qualité environnementale notamment. Il s’agit de remplacer les îlots de chaleur par des ilots de verdure, une verdure qui s’invite en ville également pour des raisons liées à la crise environnementale actuelle et qui n’a pas seulement vocation à la dépolluer mais aussi à permettre à la ville de cultiver des denrées. Les fermes verticales sont d’ailleurs communes à tous les projets urbains futuristes pour 2050.
La mobilité verte permettra également de refroidir les villes du futur en évitant de rejeter des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. En France, le secteur des transports est responsable de 31 % des émissions de gaz à effet de serre du pays.
L’habitat quant à lui, se voudra bioclimatique et connecté pour des dépenses énergétiques minimes voire nulles.